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Fév. 1, 2019

In Ass [They] Trust : Review

Au travers de cette petite devise marquée au dos du faux billet de banque – rose – qu’elles jettent au public, les Déesses de la Fesse délivrent un message clair : Dieu est un cul, et le reste du monde se doit de lui rendre hommage en s’habillant légèrement et en poussant des cris aigus. J’ai embarqué un de ces billets en quittant le Cirque Électrique vendredi soir dernier, il gît sur mon bureau et me replonge dans l’ambiance de cette soirée dédiée à l’amour…

 

 

Le spectacle est annoncé à 22h. Dès 21h, la chapitalette-bar du Cirque, située à Porte des Lilas, est blindée de monde. Noire de gens. La salle est assez basse de plafond, une boule à facettes de bonne taille domine l’espace tandis qu’une foule se concentre au fond à gauche, contre le pendrillon noir. Ainsi, les Déesses ne se produisent pas sous le grand chapiteau, la structure circassienne sédentaire. Le show se déroulera dans l’espace de bal transformé en scène pour l’occasion. Jauge minimale de l’espace : pas plus de cent personnes. Plusieurs dizaines resteront de l’autre côté du rideau, à boire des verres au bar et à entendre nos gloussements.

 

La foule qui comble la file d’attente est acculée au possible et déploie une chaleur étouffante. Les personnes dans la queue usent de patience, étonnées que tant de monde se soit déplacé pour les Déesses de la Fesse. Près de 1000 profils Facebook ont déclaré être intéressés par cette soirée. Ce n’est pas la première fois que les DF se produisent à Paris mais ce début 2019 augure de réaliser un carton plein pour la compagnie.

Le spectacle commence et la jauge est éclatée. Un cœur rose énorme, des pendards pailletés, des fleurs roses et rouges, la scène est en tout point accordée à l’univers girly et grandiloquent que l’on s’attend à voir dans un show burlesque. Un claviériste à coiffure pailletée portant un loup enrobe l’atmosphère de sonorités électroniques. Le gros cœur bascule et dévoile une vulve géante, au travers de laquelle trois Déesses de la Fesse sortent après qu’une Ève sauvageonne et excitée ait ambiancé la fosse. Le quatuor se lâche, la brune, les deux blondes et la rousse incarnent ce qu’il y a de profondément femelle en chacune d’entre nous; ou du moins de l’image communément admise, au sens animal, sans grand usage de nos cerveaux. À coups de bas résille, de corsets, de rouges à lèvres, de grandes gueules et de sourires évocateurs, s’enchaînent sur scène des incarnations féminines détournées de l’histoire classique; non pas celle avec un grand H mais davantage celle avec un grand Q. Après Ève et les Trois Grâces, se présentent Jeanne « Dark » à laquelle Dieu demande un strip-tease avant de l’envoyer à Orléans, puis Marie-Antoinette, délurée, jetant tour à tour des croissants, des petits pains et de la viande à la foule, suivie d’une sirène, puis d’une working girl des années 80, puis d’autres encore, mais ce serait dommage de tout vous raconter ici.

 

 

 

J’ai beaucoup ri, comme la plupart des personnes composant le public. Je n’ai pas vu le catch, « le clou du spectacle » selon un ami magicien, étant allée faire un tour du côté du bar où des groupes papotaient vivement sur les manifestations des Gilets jaunes ou sur le fait d’être les « outs » de la soirée. Le spectacle des Déesses de la Fesse regroupe un nombre d’images et de symboles impressionnants, difficile d’en réaliser la liste exhaustive. On y traverse l’histoire humaine occidentale et la mythologie via le prisme de la frivolité et du cul. De la légèreté des bas-quartiers. Des dames de petite vertu. Des grand-guignolesques rondeurs et peaux rosées. Du burlesque sans filet. Quelques moments de latence parsèment l’heure et demi de show, on sent que le jeu a besoin de rodage pour clairement décoller. Mais le mélange cabaret-récit historique a fonctionné auprès d’un public vif et échaudé, sans pour autant marquer au fer rouge le cuir de nos œillères de bobo du vingt-et-unième siècle.

 

 

Les Déesses de la Fesse parlent de sexe, de genre, de dieu et de la femme, en y adjoignant les stéréotypes de l’époque. C’est léger, drôle, facile et en même temps couillu. On en a pouffé de rire. Elles se servent de l’histoire pour nous montrer leurs fesses. C’est marrant car il y a une cinquantaine d’années, Michel Foucault a travaillé sur le concept de sexualité et sur le rapport de cette dernière avec l’Histoire. Le philosophe parle de nos imaginaires et de nos modes de vie comme étant dépendants de l’environnement et des institutions qui les composent. Jusqu’au 19ème siècle notre rapport au corps était tout autre. La nudité, la sexualité elle-même, ne renvoyaient pas encore à une morale bien-pensante hygiéniste, encore moins à un phénomène subversif ou séditieux… Le corps vibrait, puait le foutre, la cyprine, la sueur, et ses pulsions allaient et venaient. La pudeur, le rationnel, la morale et la fidélité vont de pair avec le paradigme bourgeois et les valeurs cléricales embrayées à la fin du Moyen-Âge, au 18ème siècle…

 

 

 

Désormais, on ne sait plus trop où donner de la tête. On peut voir des femmes danser et chanter dans le plus simple appareil au Cirque Électrique un week-end, mais poster la photo d’une verge en érection provoque la clôture des profils sur les réseaux sociaux (sans parler des attentats à la pudeur orchestrés par les Femen et passibles d’arrestation et/ou d’amendes sévères). Il se trouve qu’on voit apparaître une forme de déchaînement dans la gente féminine depuis une petite année, légère mais visible depuis les scandales d’attouchements et de viols dans les mondes du spectacle et du cinéma. Les voix ont haussé d’un ton. Michel Maffessoli, quant à lui, parle actuellement d’un nouveau paradigme : celui de la fête, du lâcher-prise, du jeu et de la tribalité, en invoquant Dionysos (ayant remplacé Apollon et sa beauté rationnelle au Panthéon)… et Aphrodite alors?! La question est ouverte, les Déesses de la Fesse en sont une illustration.

 

 

Par ailleurs, Je n’ai pas compris le passage évoquant les années 60 et l’ex-URSS… Lorsque l’une des comédiennes porte un imperméable et un masque à gaz tout en jouant de ses mains avec un transistor. On ne peut pas toujours tout comprendre. Lors du Love Dj Set qui a suivi le spectacle de la troupe, une petite partie de l’équipe qui n’a pas pu y assister s’est agglomérée autour du babyfoot du Cirque Électrique. On a joué plusieurs parties, personne ne voyait la balle, les demis n’existent plus mais on les a tout de même comptabilisés. Il y avait de tout, autour de ce baby recouvert d’une plaque de Plexiglas rayée : femme/homme/autre/noir/blanc/autre. Ça nous a rappelé le lycée.

 

 

L’apparition d’un ange blond dans la première partie du spectacle a encensé les entrejambes des personnes en mal d’images masculines. Une représentation dansée pour un strip-tease queer et rock’n roll. C’est peut-être ce qu’il manque de plus pour pimenter réellement ce show, des hommes à paillettes qui se dévêtissent avec grâce et beauté.

 

 

 

 

 

 

Texte et photo : Moe Lesné

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