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Avr. 20, 2017

Hannibal Volkoff

A l’image de Mauvais Magazine, l’interview s’est déroulée de manière peu conventionnelle : faite à distance entre Paris et Montréal. C’est une conversation muette, un échange textuel, plus lent mais plus réfléchi peut-être, qui a pu prendre place grâce à la magie des réseaux sociaux.

Le sujet de mon interview est  un artiste qui sort de l’ordinaire, un personnage intriguant : Hannibal Volkoff. Né à Nantes en 1986, il vit aujourd’hui à Paris, où ses photographies n’ont cessé d’attirer l’œil des plus avertis. Son travail, qui peut être vulgairement qualifié de « sex, drugs & Rock’n’roll » est en fait un appel à la vie et à l’amour. Son site officiel contient des images parfois très crues voire érotiques aux accents de voyeurisme. Son Tumblr m’a semblé être une sorte de journal intime – très, très intime – d’une jeunesse qui se cherche ou se perd au sein d’une décadence underground. Exposant son travail depuis 2010 rythmé par de nombreux évènements par an, son premier livre photographique « Nous naissons de partout » est paru aux éditions Les Presses Littéraires depuis juin 2016.

Ses réponses, entre sérieux et moquerie cynique, nous dévoilent le personnage : interview d’un photographe contemporain qui n’a pas froid aux yeux !

 

Quels sont tes appareils, pellicules (marque, couleur ou noir et blanc etc), et accessoires photo préférés ?

 

Mon accessoire photo préféré est le vin rouge.

 

 

On te sent attiré, inspiré par cette « scène underground » que tu photographies : c’est particulier à Paris plutôt qu’ailleurs?

 

Beaucoup de gens s’installent dans les capitales parce qu’ils savent qu’ils trouveront un lieu d’expression à une part de leur identité qui n’a souvent que trop peu de place dans notre société. Il y existe pour leurs particularités minoritaires (sexualité, sexe, origine ethnique, style vestimentaire, pratiques marginalisantes, etc..) des espaces où ces dernières pourront se développer, souvent se défendre, en groupe. Ce que l’on appelle la “scène underground” est en général un espace de création des minorités oppressées -sinon, elle n’aurait pas besoin d’être “souterraine”. Mais dans une capitale, toute l’ambigüité d’une “scène underground” est qu’elle ne le reste pas longtemps. Son existence même protège ses membres qui, fort d’authenticité peuvent la vivre en plein jour, ou la placer au devant de la scène. Comme l’ont été les soirées Flash Cocotte, par exemple.

 

 

 

A Paris, j’aime la rue des Lombards. C’est une rue assez courte où sont quasiment collés une église catholique, des établissements gays, un kebab, un bar gothique et des restaurants asiatiques. Ce n’est pas simplement par angélisme bobo, mais avant tout, je trouve cocasse de passer d’un univers à l’autre. Dans mon livre, il s’agit un peu de ça, un mélange des genres au sein de la jeunesse qui se vit avec une brûlante curiosité. “L’ungerground” n’est plus la cloison imposée par la société mais devient l’espace intérieur d’où se déploie la vitalité libératrice et revendicatrice de mes sujets. En tant que Nantais, je suis venu à Paris pour ça. Il en va de même pour mes amis provinciaux.

 

 

 

Quand on voit le caractère trash de tes images, on se demande quand même : es-tu excité lors de la prise de tes photos ? Mets-tu en scène tes fantasmes ?

 

Quand tu dis “trash”, tu parles du sexuel ? Les gens ont chacun une vision très différente de ce qu’est le “trash”. Pour certains, il est dans le sujet d’une image, pour d’autres, il est dans son traitement –souvent sa crudité. Perso, au bout d’un moment, je sais plus trop…
En tout cas, quand mon mec (de l’époque) est attaché à son lit, nu et les jambes écartées, oui, je suis excité. Il arrive parfois que l’on se demande s’il vaut mieux profiter d’un moment ou prendre des photos. L’idéal est bien sûr de faire les deux. Quand votre partenaire est d’accord, c’est même un plus. Concernant mes fantasmes, crois moi ou non mais j’ai tendance à m’en méfier. Très souvent, un fantasme, ça n’a rien de bien original. Il faut chercher ailleurs.  La série Informité du désir -Torture par exemple,est une série qui traite de sadomasochisme,une des identités sexuelles dans lesquelles je me reconnais. Je l’ai traité très crûment, sans le moindre érotisme, avec un masochiste qui ne correspond pas à mes désirs. Ce qui m’intéressait, c’était le rapport radical au corps, pas mon érection. Dans les fantasmes, il y a une forme d’enjolivement, de fuite du réel qui s’accorde parfaitement au consumérisme, que je tente d’éviter.

 

 

 

 

 

 

Tes photographies sont des situations que tu provoques ou te trouves-tu juste au bon endroit au bon moment ? Quelle place prend la mise-en-scène ?
Chaque photo a son histoire, mais l’approche diffère. Si par mise en scène, tu entends recréer de toute pièce, alors ce n’est plus du reportage. Ma série Confessions d’un masque en est un, Les garçons sauvages et Les descendants : absinthes et cerfs-volants aussi. Même si ces dernières, au départ, relevaient plutôt du journal intime.

 

Ces travaux touchent la manière dont mes modèles mettent en scène leur corps. Les questions sont alors : comment les diriger tout en restant dans la vérité du moment vécu ? Comment ne pas perdre l’énergie ? Il se trouve qu’en général, se trouver devant un appareil photo décuple l’énergie de l’adolescent, il a un effet miroir sur lui à un âge où l’on se construit avec des miroirs. La séance photo doit alors être incluse dans l’ambiance d’une “soirée normale”.

 

 

 

 

 

Dans tes projets actuels, il y a le livre Nous naissons de partout, paru en juin 2016. Tu nous en parles ?

 

C’est l’histoire d’un volcan qui pousse et de flocons qui palpitent. Du sperme sur un éventail, des paillettes dans une seringue, de la cendre entre les jambes, une couronne de fleurs volant dans du gaz lacrymo.
J’aurais pu répondre aussi : du champagne dans ma cave et une pipe dans le cul. Un conte pour enfants, quoi.

 

 

 

Une toute dernière question : où penses-tu en être dans ton parcours de photographe ?

 

Je prépare un livre qui sera la suite de Nous naissons de partout, toujours sur le corps comme résistance mais en moins accentué sur l’adolescence. Il y aura plus de photos de rassemblements politiques, mais aussi des soirées mondaines luxueuses. On me dit que c’est antinomique alors ça me donne envie de les assembler. Ce genre de grand écart, c’est le Paris que je connais. Comme je ne le vois dans aucun autre livre photographique, je me coltine le boulot.

 

 

 

 

Un petit message à faire passer à tes fans ? 

 

« Crois en toi, ne rêve pas ta vie mais vis tes rêves »… !

Nan j’déconne. Tu m’as pris pour Beyoncé ? Je n’ai pas de « fans », voyons, ahahah…

 

Photo prise par Arthuro Peduzzi retouchée par les soins de Mauvais.

 

 

Article écrit par Jutta Sammel.

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