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Fév. 11, 2017

Paris, ma jolie, tu te nourris de nostalgie.

J’aurais quitté Paris depuis deux ans, lorsque je m’apprêterai à retrouver ma ville natale l’année prochaine.

L’indécision m’a conduit à demander l’avis de mon entourage. Des amis, des connaissances, qui ont tous des rapports différents avec cette ville. Je l’ai aimée, détestée, je l’ai quittée, puis retrouvée. Voici les témoignages de ces merveilleuses personnes qui ont accepté de lui rendre hommage à leur manière.

Pour commencer la série, j’ai fait ma demande à ces deux bipèdes originaires de Paris. L’une y est restée, l’autre a décidé de partir.

 

Sarah, 21 ans, vit à Paris avec enthousiasme malgré la pluie et le manque de Méditerranée

 

 

© paparazzi dans le métro parisien

 

 

« Eh mec, c’est Paris ! », déclamait presque la voix de Daniel Darc en ’84 – Paris s’écrivait selon lui M-E-R-D-E –. C’est un thème récurrent : Paris n’est pas si magique, le mythe est à déconstruire.

De ces époques mythiques regrettées nous restent des monuments, des places, des noms de rues. Pourquoi devraient-ils raviver une nostalgie ? Les mythes, les exempla : des monuments qu’on nous laisse, des histoires qu’on nous raconte, forcément un peu modifiés pour créer un lien avec ce passé. L’image qu’on veut garder de Paris est celle d’une ville de fête, d’un lieu de rencontre d’intellectuels et d’artistes, d’un foyer de révolution. C’est forcément un peu énervant si ce n’est qu’un musée ! Personnellement je n’aime pas trop regarder d’autres personnes faire la fête sans y participer. Le centre de Paris, qui semble ne pas être habité, la Seine découpant la ville en deux rives opposées, la place de la République sur laquelle on a essayé de se rassembler, tous ces musées, ces théâtres… Comment faire pour que Paris ne soit pas figé ? Dépasser son histoire, que la nostalgie devienne fierté ?

 

Paris se construit sur plusieurs oppositions : Paris/reste du monde, où Paris, ville des lumières, la tour Eiffel, la baguette et les films chiants, représentent la France ; Paris/province, avec cette centralisation injuste, cette concentration de lieux de pouvoirs, qui rend forcément la capitale désagréable ; Paris/banlieue, ou la région parisienne : tous ces gens qui vont à Paris, qui y travaillent tous les jours sans y habiter et sans forcément se sentir parisien ou parisienne… Les trains de banlieues, le RER, loin des riches, loin de la ville-musée, mais comme s’ils nourrissaient toujours cette ville-ventre affamée, qui prend tout sans vraiment accueillir.

 

Paris est fait de rencontres donc, de milieux « underground », de création et de révolution. On a parfois du mal à l’accepter aujourd’hui, et le passé semble loin. Pourtant, la beauté parisienne brille tout à coup, peut-être moins dans un café à 5 euros à Saint-Germain-des-Prés que dans une vitrine de banque qui s’explose, dans une chambre de CROUS, dans des milieux QUEER révolutionnaires, dans des associations d’aide aux migrants. Si le vieil accordéon sous les ponts de Paris nous rend mélancolique ou joyeux et qu’en traversant l’île de la cité on aimerait bien vérifier parfois si sous ces ponts de Paris coulent vraiment nos amours, Paris n’est pas ville-morte quand elle n’est pas snob. Nostos : le retour ; nostalgie, cette envie du retour qui pourtant est impossible. Exemplum, cet exemple du passé que l’on veut imiter, mais qu’on devrait peut-être dépasser ? La ville est belle de ses empreintes du passé, glorieuse ou non, mais vivante, quand elle n’est pas passé mais présent.
Paris, aujourd’hui, c’est aussi les défis d’avenir car le présent ne peut être uniquement passé : arrêter d’être prétentieux, partager et construire, accepter que la jeunesse puisse vivre, rendre la vie abordable, ne jamais se figer, agir toujours.

 

 

 

 

 

 

 

Nassim 26 ans 

J’ai éclos et vécu à Paris pendant 22 ans, puis j’ai entamé un voyage. J’y passe de temps à autre pour y rencontrer ma famille, des amis, et de nouveaux coins.

 

 

 

 

© Anna Ziya Geerling

 

Paris, j’y ai grandi. Depuis tout petit, loin des champs et des vallées, tout ce que je connaissais étaient ces rues pavées, ces murs de béton et ces supermarchés. Je n’ai pas appris à vivre là-bas, mais à cohabiter. Terre de toutes Terres, le monde vit ici dans un paradis matériel où seuls les moins aigris s’y épanouissent et y cultivent leurs vies et celles de leurs entourages. Nid de diversité, montagne de richesses culturelles, donnent un incroyable accès à l’art. Par exemple, j’ai eu la chance depuis petit d’étudier la musique dans une structure qui m’a permis d’étudier le chant et le piano gratuitement, de mon CM1 jusqu’au Bac; le matin a l’école et l’après-midi j’allais chanter avec d’autres enfants dans un chœur, bénéficiant de cours et de concerts. Malheureusement, inégalités, injustices et omniprésence du système et de l’argent frappent beaucoup de quotidiens d’une enclume dont l’écho s’évanouit dans les fêtes et l’alcool pour oublier le labeur suffoquant de la semaine.

 

Derrière les artifices superficiels des attractions touristiques, des politiques, des lobbys commerciaux et des entraves industrielles en tout genre, Paris se construit dans un futur trop (peu) maîtrisé. Un faux contrôle qui poursuit au fil des années une annihilation désordonnée des beautés de vie de quartier et de moins en moins de liberté, d’intégrité, d’authenticité. L’humanité s’est approprié cette contrée en rasant champs et forêts, en créant ses propres histoires, en faisant de beaucoup de ses enfants des êtres déshumanisés à l’école et/ou aux foyers, effrayés à l’idée de partir explorer le monde ou de laisser éclore leur propre pensées.

 

Paris, je t’ai fui, assoiffé d’apprendre et de paix. Depuis de passage, je m’enjoue de cette foison de possibles et pour tes secrets les plus cachés. Qu’il est bon de s’y donner le temps, de flâner dans les rues de Belleville, de voir les enfants du monde sortir des cours en courant, de se laisser bercer sur les quais de la Seine puis rencontrer quelqu’un, se détendre un peu et partager une virée.

Mon frère, quels sont ces regards hostiles que j’ai croisé ? Quel est donc ce teint terne qui d’heure en heure s’éloigne de l’étoile enfantine qui t’animait ?

N’est-ce pas ton choix d’être ici ? La Terre est vaste, qu’est ce qui te retient ?

Si tu y es attaché, vas te balader et souris, le monde y cohabite, et y voyage aussi.

Paris, une grande ville dont les richesses du passé sont sublimées pour celui qui ne fait que passer. Ville où l’anonymat est roi et qui offre à la fois rencontres pleines de cœur ou grand désarroi.

 

 

 

 

 

 

Paris, ma jolie, tu te nourris de nostalgie.

Fév 2017

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