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Jan. 18, 2022

Journal d’une coronée 2

Ou quand t’as eu le covid… 2 fois.

Cette année, pour le nouvel an, j’avais prévu d’inviter toutes mes copines à Venise pour faire la fête. J’avais tout organisé : elles avaient pris leurs billets – et Dieu sait que c’est compliqué de leur faire prendre leurs billets – elles avaient réservé un Airbnb et j’avais préparé tout un programme : dîner à la Zucca (meilleur restaurant de Venise), décompte à San Marco, balade en barque et lever de soleil sur la lagune…

Comment j’imaginais mon nouvel an…

Je leur avais dit « On s’en souviendra toute notre vie de ce nouvel an… »

28 décembre. Je reviens de mon Noël en famille, repue de dinde aux marrons et de livres sur le cinéma. Je m’allonge un instant en pensant à la chance que j’ai dans ma vie : dans deux jours, je serai à Venise. J’avais acheté une robe à paillette et des pétards. Mon portable vibre.

Papa : « On vient d’apprendre qu’on est cas contacts. Bisous de loin – smiley bisou ».

Mon père, que j’ai vu hier, au repas de famille. Non. Non. NON. Pas encore ! Bon. Pas de panique, on n’est sûr de rien.

Puis une heure après : « on vient de faire un test, on est positifs. »

En une seconde, me voilà retélescopée un an en arrière, dans la parano totale : je revois ma belle-mère tousser près de moi, s’approcher – un peu trop – près pour me dire un secret. Je pense à mes grands-parents qui sont – encore une fois – cas contacts. Je pense à ma mère diabétique avec qui j’habite en ce moment. 

Et puis, la descente aux enfers : j’annule tous mes rendez-vous, mes copines annulent une par une leur voyage, et enfin, après 3 tests antigéniques, je suis positive. Encore. Byebye San Marco, byebye la lagune… Il va falloir me rendre à l’évidence : en fait, je n’ai pas de chance.

Quand je l’annonce aux gens, leur première réaction est de dire “Tout le monde l’a en ce moment, c’est dingue”. Je n’ai même plus le privilège, l’exclusivité, la toute-puissance de me sentir unique. Et puis, Omicron, vaccinée… tout le monde sait que je ne suis pas trop malade. Je n’ai même pas le droit au “Tu vas bien ???” inquiet qui m’avait fait me sentir importante la première fois. Aucun mérite. Zéro. “Ah t’as le covid ? cool, ben comme tout le monde quoi…” Et bah si j’suis malade putain ! Enfin ça va… mais quand même !

Là, c’est juste chiant. Relou. Bon, c’est pas la fin du monde vous me direz. C’est juste un rhume ++. Au-moins j’ai des livres sur le cinéma pour m’occuper.

C’est du moins ce que je pensais avant de passer le nouvel an toute seule dans mon lit.

Ma mère et mon frère étant tous les deux négatifs, décident de me rejeter comme une pestiférée ( je ne leur en veux pas bien sûr ). Alors je me commande des sushis et je regarde  Parle avec elle d’Almodovar ( Super film ).

Je ne me rends presque pas compte que ma vie est triste ! Et puis tout à coup, j’entends les voisins hurler, ils font résonner leur musique à fond, exploser des pétards. Le bonheur, l’énergie, la folie, les gens. Mais pourquoi est-ce qu’ils hurlent autant ? J’engouffre un maki. Miam. Au-moins j’ai du goût, cette fois.

Comment j’imagine le nouvel an des autres… (Great Gatsby)

Je me force à penser “de toute façon le nouvel an c’est toujours pourri, décevant, c’est le non-évènement par excellence”, mais je n’arrive pas à oublier ces cris de vie. Je bougonne dans ma barbe “ceux qui l’ont pas maintenant l’auront après le nouvel an, c’est sûr…”

Je me sens projetée dix ans en arrière quand ma mère m’interdisait de sortir et que je savais mes amis en train de faire la fête sans moi. D’ailleurs, c’est bien ce qu’ils font. Toutes mes copines se sont retrouvées pour faire la fête ensemble et comment pourrais-je leur en vouloir ?

Bonne année moi-même ! À ce moment-là du film (ATTENTION SPOILER) le meilleur ami du héros se suicide. Explosion de négativité. Solitude. J’avale une gorgée de Rooibos.

Le lendemain matin, en me réveillant à onze heures, ma première pensée est qu’au moins, aucun nouvel an ne pourra être pire que celui-là et que je ne peux commencer l’année que sur une phase ascendante.

Parle avec elle

Plus que 10, 7, 5 – je ne comprends rien – jours à tenir!

Je prévois de faire un tour du parc Montsouris avec une copine qui est aussi positive. Comme ça on comparera nos non-soirées ! Je vais aussi sûrement voir mon copain, on pourra se toucher le bout des pieds pour se souhaiter la bonne année.

C’est le 1er janvier et je devrais être au Campo Santa Margherita en train de boire le meilleur café du monde.

Je me pose devant ma fenêtre en sirotant doucement du café soluble – Au-moins il fait beau – et je me mets à penser à cette connerie de Covid. Finalement, qu’est-ce qui a changé depuis la première fois que je l’ai eu ? Quasiment tout le monde est vacciné, super ! Mais est-ce que c’est une bonne façon de prendre le problème à la racine et de changer vraiment les choses ?

Mais qu’est-ce qu’il faudrait vraiment faire ? Je me mets alors à organiser mentalement un programme bien précis (dois-je me présenter aux élections présidentielles ? Non. La morve me rappelle à la réalité).

Et si les politiciens adoptaient une meilleure politique de prévention de la santé : une relocalisation de la production des médicaments de base en France (masques, doliprane…) et des messages sur la prévention (importance de l’alimentation, du sport, du sommeil, de la vitamine D3…) ? Et s’ils intégraient mieux la santé à toutes les politiques publiques (logement, aménagement, éducation) ?

Et du point de vue de l’environnement : si on arrêtait la déforestation pour laisser tranquille la vie sauvage ? Si on faisait en sorte qu’il y ait moins de concentration d’animaux dans les élevages industriels et de concentration humaines dans les villes ? Si on prenait en compte les problèmes de qualité de l’air, de pollution des sols et des eaux et surtout les problèmes de changements climatiques et la perte de biodiversité ?

Les enjeux environnementaux ont des impacts sur la santé et ON LE SAIT ! Et le « monde d’après » ? Il est où ?

Je repense douloureusement qu’il y a vingt-quatre heures j’étais prête à prendre l’avion pour aller à Venise, que je me suis acheté des nouvelles chaussures la semaine dernière et que j’ai regardé pleins de séries de Netflix… dans mon bain…

Enfin, je replonge avec le goût amer de la peur de la mort, dans le souvenir du film Don’t look up… Après avoir pleuré un bon quart d’heure, quand j’en ai parlé à ma mère, j’ai compris que la réalité serait dix fois pire. Car la fin du monde ne sera pas expédiée en quatre secondes par une simple météorite, mais sera longue et douloureuse – et elle a déjà commencé.

Je repose ma tasse Marilyn, essoufflée par mon propre coup de gueule. J’espère pour 2022 qu’il y ait une meilleure politique de tout ça, parce que ce qui est sûr, c’est que je refuse d’avoir le covid une troisième fois.  

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Et toi qui me lis, tu l’as eu avant ou après le nouvel an ?

Mahaut Adam

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