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Mai. 13, 2021

Interview : le fanzinat photo de September Books à 1991, une alternative d’édition autodidacte

Image issue du Zine de 1991 BOOKS "Joe Cruz - Boyhood"

1991 et September Books, deux maisons d’édition indépendantes nées en 2016 autour du fanzine photo, ont pour mot d’ordre la liberté de création… et de fabrication. Entre beaux livres et esthétique trash, on s’est entretenu avec elles pour découvrir le champ des possibles d’un support chargé d’histoire.

N’importe qui peut réaliser un fanzine. Imprimante, papier, colle et le monde est à toi. Popularisé par le mouvement Punk dans les années 70, il devient objet de la contre-culture. Contraction de « fanatic magazine », il naît d’un besoin subversif. Faire savoir, et pas dans les journaux. Faire savoir librement.

Do it yourself

Depuis les années 2010, c’est le grand retour. Avec New York en étendard, le papier n’a pas dit son dernier mot. Mais son propos n’est plus le même. C’est un objet d’art. Il est collectionné et exposé. C’est un support de création. Et la distribution a changé. On a troqué le Mano a Mano pour la jolie place en librairie. En France, des structures mettent en avant ce support. September et 1991 en font partie. Événements, rencontres, les indé ont aussi leur circuit ici à Paris. Entre facilité d’accès et difficulté de publication, le fanzine s’impose comme porte ouverte à la création. On a voulu en savoir plus, c’est chose faite.

« C’est vraiment une niche la photo (…) c’est pour ça qu’on fait des petits tirages »

Fondée en 2016 par Pauline Hisbacq et François Santerre. September Books est une maison d’édition indépendante. Elle publie des livres et des fanzines. Récemment, elle a réalisé des ouvrages avec Amandine Freyd, Eva Louisa Jonas et Louis Gary. Entretien avec François Santerre.

Le Feu, Pauline Hisbacq, 21 x 29,7, reliure élastique, 2018. Le feu est une collection d’images récoltées sur internet. Ici mises en relation par affinités, chocs, ricochés, elles parcourent les questions du désir, des fantasmes, de l’érotisme, comme un flirt, là où souvent l’imaginaire se nourrit des images.

Comment est né votre intérêt pour le fanzine ?

C’est le meilleur moyen de publier des choses avec une économie qui n’est pas très grande. Le fanzine nous permet de travailler librement parce qu’il n’engage pas de moyens financiers très forts. On s’est pris au jeu parce qu’on s’est rendu compte qu’on aimait les petites séries, autour des travails d’icono. On travaille avec pas mal de photographes qui ne font pas de la photo directement, mais qui puisent des photos soit sur Internet soit sur des bouquins, qui travaillent avec des images qui sont déjà produites.

Votre structure, est-elle d’abord née d’un besoin d’auto-édition ?

Exactement, je faisais de la photo, mais je n’en fait plus trop aujourd’hui. Je voulais sortir un bouquin d’images et j’ai demandé à une pote qui était graphiste de me filer un coup de main. Très vite, on a décidé de publier d’autres personnes.

Comment est venue l’idée d’éditer d’autres artistes ? Est-ce que c’est la rencontre avec l’édition qui vous a de suite donner envie de prolonger l’expérience ?

Oui, je crois que dès que je suis entré là-dedans ça m’a plu. Déjà, je pense que rétrospectivement ça m’a permis de me détacher de mon travail. C’était agréable de bosser avec d’autres artistes. Je me suis pris de passion pour le graphisme.

« Je ne m’inscris ni dans l’histoire du fanzine ni dans celui du beau livre. 

Stationnaires, Oliver Clément, 21 pp., 21 x 29,7 cm, Attaches métal. Ce travail consigne le retour d’Oliver Clément dans les territoires de son enfance dans l’Est de la France. Ces quelques images monochromes, équivalents d’une sismographie du quotidien, naissent de cette rencontre et s’inspirent de l’imagerie monotone des anciennes publications scientifiques, des mornes environnements de bureaux et de la nouvelle vague musicale.

Comment se passe le choix des artistes ?

Au départ, c’est de l’amitié, des rencontres, puis après quand on s’est mis à avoir un site, faire des salons et les gens, à nous proposer leur boulot.

Est-ce que vous avez un public différent des grandes maisons d’édition ?

Oui complètement. Quand on fait les salons, on voit qui achète. On est face à un public de connaisseurs. C’est vraiment une niche la photo, que ce soit le livre photo (même si ça se démocratise), et le fanzine, tu rentres dans un truc spécialisé. C’est pour ça qu’on fait des petits tirages. Le public, c’est plutôt un public jeune, assez branché, d’école de graphisme ou d’école de photo, qui voit dans le livre un moyen d’expression. Donc oui, c’est un public jeune assez connaisseur.

Avez-vous l’impression de vous inscrire dans l’histoire revendicatrice des premiers fanzines ?

L’esthétique du fanzine, ce bouquin fait à la main de manière trash, on l’a jamais trop fait. Nous notre culture reste le beau livre. L’esthétique punk ne nous a jamais trop touchés. On a toujours tenu à faire des objets qui s’approchaient du beau livre sans vraiment en être. Je ne m’inscris ni dans l’histoire du fanzine ni dans celui du beau livre. On essaye de faire un pont entre ces deux pratiques.

Où peut-on retrouver vos fanzines ?

On est chez Yvon Lambert, au Bal qui nous a toujours soutenus, la librairie Sans Titre et tous nos ouvrages sont disponibles sur le site September Books.

Ici, Louis Gary,100 pp., 20 x 27 cm, dos carré collé cousu. Ici se raconte comme un album trouvé, un carnet de recherche et une fiction familiale.

« La vraie essence du fanzine c’est de faire un truc pas cher qui va peut-être être jeté »

Créée en 2016 par Matteo Verzini et Étienne Vergier et nommée en référence à leur année de naissance, 1991 Books est une maison d’édition qui publie des zines. Ils ont travaillé récemment avec Agathe Rousselle, Joe Cruz et Ramon Zuliani. Entretien avec Matteo Verzini.

Comment est née votre structure ?

On a fondé 1991 à deux avec Étienne Vergier en 2016. C’est parti du fait qu’on achetait énormément de livres depuis toujours et au bout d’un moment, on a eu envie de faire nos propres publications. La photographie nous a paru une évidence. La contrainte est venue du fait qu’on avait juste un photocopieur Canon horrible au début, qui imprimait uniquement en aplats de noir, ce qui a marqué dès le départ notre esthétique. Le projet a démarré avec Friends Can’t Trust You, 10 zines réalisés avec notre cercle d’amis proches dont Étienne et moi-même et présenté sous forme de group show à la Galerie &co119 à Paris.

Est-ce que c’est venu d’abord d’un besoin d’auto-édition ?

Non pas vraiment. En fait, Étienne était revenu avec une série de photos sur le graffiti à Athènes et avait vraiment envie d’en faire quelque chose. Il n’est pas photographe, moi je le suis, et bizarrement je n’arrive pas à publier pas mon travail. J’ai toujours aimé promouvoir les autres, je crois que je suis plus doué à ça que me promouvoir moi-même. Je pense que c’est plus la curation qui me passionne. J’aime bien l’idée de « scène », de fédérer des gens autour d’un même projet.

Donc tu étais dans une démarche de créer une communauté ? Retravailler plusieurs fois avec les mêmes artistes ?

Ouais, c’est ça, c’est très rare qu’on réponde à des submissions. La plupart des gens avec qui on travaille sont des amis ou des artistes qu’on aime bien.

Est-ce que vous vous êtes intéressés aux zines parce que les coûts de productions sont faibles ?

Effectivement, c’est d’abord une question de rentabilité. C’est le moyen le plus simple de produire quelque chose à moindre coût. Il te suffit de InDesign, d’une imprimante et d’une agrafeuse. À une époque tout se faisait directement dans la photocopieuse, en collant et écrivant sur le papier. Il y a encore des puristes qui font comme ça.

Vois-tu le fanzine avec une approche éphémère ?

Je pense que oui et c’est à posteriori qu’il est collectionné. Les fanzines de l’époque et les journaux comme International Times avaient pour but de divulguer une information et un courant sur le moment. C’était une façon de contrecarrer la presse. C’est seulement aujourd’hui que les gens y trouvent un intérêt de collection. La vraie essence du fanzine, c’est de faire un truc pas cher, qui va peut-être être jeté. C’est plus pour véhiculer une idée à un moment précis que d’essayer de faire un beau livre.

Tu établis une nuance entre fanzine et zine : est-ce que tu peux développer sur ce point ?

Oui, le fanzine est originellement une publication auto-éditée par des « fans » autour d’une thématique précise, avec des textes et des photos. Dans les années 50 à 70 il y a eu énormément de fanzines politiques et musicaux, qui ont été réalisés sous différentes formes, dont le A5 plié et agrafé en Xerox noir et blanc qu’on retient le plus aujourd’hui. Les fanzines existent toujours et sont comme à l’époque imprimés aussi sur des grands formats et par des imprimeurs. Ce qu’on appelle un « zine » aujourd’hui correspond à un format d’impression DIY plus qu’à un sujet comme à l’époque.

Où êtes-vous distribués ?

À Paris, on est au Bal, Yvon Lambert, CLASSIC Paris, BATT Coop. et depuis peu à la Librairie Sans Titre. À New York, on est chez Dashwood et à Tokyo chez Commune et Salt and Pepper.

Jamais loin des origines, ou toujours plus, les approches se multiplient. Le support papier est unique. Porté par le jeune lectorat. Pour une nouvelle scène du fanzine.

1991 books & September book : un article par Jules Descamps

Interview : le fanzinat photo de September Books à 1991, une alternative d’édition autodidacte

Mai 2021

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