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Nov. 4, 2020

INTERVIEW : Lias Saoudi, une certaine idée de la destruction.

Trois sujets au choix, une playlist, un peu d’actualité : un format court et direct pour une interview intimiste et décalé. Ici c’est Lias Saoudi, chanteur de Fat White Family qui nous dévoile la partie obscure de son cerveau en répondant à nos questions sur le thème de la DESTRUCTION.

MauvaisMagazine:  Lorsque tu penses à la destruction, quelle est son image, son symbole, sa forme matérielle ?

Lias Saoudi : Je suppose que la tradition occidentale nous a conduits au bord de l’apocalypse environnementale. Aussi actuelle, belle et riche qu’elle soit, la culture humaine est aussi riche que cela, et tout cela pue la destruction ! La philosophie orientale me semble davantage axée sur la vie avec la nature, la philosophie occidentale sur la domination et l’évasion… Cela étant dit, c’est la tradition occidentale qui nous a conduits vers les étoiles…

MM : As-tu déjà ressenti la destruction en toi ? Si oui, quand et comment ?

L.S : J’ai en moi une grande quantité de peur et de violence et donc de destruction. J’ai grandi dans un monde qui était malheureusement assez brutal, j’ai été distingué à cause de ma race et battu. Je n’avais pas d’amis, je bougeais constamment et ma vie familiale était pour le moins extrêmement chaotique. J’ai réussi à transformer une partie de cette douleur en art, une partie que je vis et que j’accepte. Il y a une autre partie, malheureusement, que j’ai transmise à d’autres personnes dans des moments de grande faiblesse.

© Holly Whitaker

MM :  Y a-t-il quelque chose de positif dans la destruction ? (A court terme, à long terme/ avec le recul)

L.S : C’est la différence entre la haine et la colère. La haine vous noie, la colère, accompagnée de la forme, est en fait extrêmement puissante. Il y a un élément combatif dans presque tout ce que je fais. Les pires choses qui me sont arrivées dans la vie ont souvent été celles qui ont généré le plus de créativité. De cette façon j’arrive presque à vivre sans me sentir tout le temps terrifié. L’art, c’est de la douleur dans le plaisir. C’est de la vraie magie.

MM : Selon toi, quelle est la plus grande forme de destruction dans la société ?

L.S : Actuellement, je pense que nous sommes en proie au narcissisme. Je pense qu’en Occident, nous avons perdu notre capacité à établir de véritables relations entre nous, à nous accepter les uns les autres. Nous vivons dans un monde où la machinerie des médias continue à multiplier les désirs des gens, mais matériellement, nous sommes de moins en moins capables de satisfaire ces désirs. Nous nous retrouvons donc avec une génération de personnes qui sont vendues en ligne, tout en sachant pertinemment qu’elles n’auront jamais la sécurité de base. J’entends par là, la propriété d’un logement, un revenu régulier ou même une famille. Nous nous sommes laissés entraîner dans une guerre de tous contre tous. L’extrême polarisation de notre paysage politique devrait en témoigner de manière évidente. La solidarité s’est inversée. La fin est proche !

© Photo de son téléphone

MM : Y a-t-il quelque chose que tu voudrais éradiquer ?

L.S : L’internet. J’aimerais aussi que le gouvernement interdise les cigarettes. Je n’ai pas la force d’arrêter tout seul. Personne n’irait jamais rencontrer un dealer de tabac, n’est-ce pas ? Je demande l’éradication des cigarettes maintenant !

MM :  Quelle partie en toi se manifeste lorsque tu te mets dans un état d’autodestruction ? (corps, comportement, …)

L.S : La dépendance et l’aliénation. J’ai l’impression que les dix dernières années de ma vie n’ont été qu’une longue marche vers le cœur battant de la solitude. Ce n’est que récemment, et surtout avec la tournée des morts-vivants, que j’ai commencé à réaliser que non seulement il pourrait y avoir de l’amour en moi, mais qu’il pourrait aussi valoir quelque chose. J’ai dû m’éloigner le plus possible de moi-même pour réaliser cela, j’aimerais pouvoir comprendre pourquoi, mais je n’ai pas encore trouvé le bon thérapeute !

MM : Existe-t-il un remède contre l’autodestruction ?

L.S : L’amour

© Photo de son téléphone

MM : L’évolution, le vieillissement, sont-ils une forme de décomposition ?

L.S : Tout se dissout, éventuellement l’espace ne sera plus qu’une noirceur infinie avec des anciens mondes froids et gelés qui se balancent d’un côté du vide à l’autre, pour toujours ! Il n’y a rien d’infini ! Personnellement, j’ai envie de vieillir ! J’étais si plein de rage avant et je ne ressens plus cela, c’est un soulagement…

MM : Quelle musique avez-vous sélectionnée pour Mauvais Magazine ?

L.S : Voici ma sélection des 5 morceaux… J’y pensais, je suis plus intéressé par les livres que par la musique ces temps-ci, vous voulez quelques recommandations ?

Les 5 titres que proposent Lias se retrouvent en playlist en cliquant sur ce lecteur ! Ainsi que la liste des livres :
  • Annie ernaux ‘Happening
  • Virginie despentes ‘King Kong theory
  • Mark fisher ‘Ghosts of my life
  • Jean gent ‘Our lady of the flowers
  • Emanuelle carrere ‘Limonov
  • Eduard limonov ‘It’s me, Eddie
  • Camille paglia ‘Sexual persona
  • Arthur Schopenhauer ‘Essays and aphorisms
  • A a gill ‘Pour me
  • Lucia Berlin ‘A manual for cleaning women

MM : Que s’est-il passé dans le groupe pendant le confinement ? Cela vous a-t-il permis d’évoluer avec de nouvelles idées ou simplement de vous reposer?

L.S : J’ai même oublié que j’étais dans un groupe et je me suis consacré à l’écriture, quelque chose que j’ai toujours rêvé de faire mais que je n’ai jamais eu le courage/la patience/la sobriété/le temps de faire…

MM :  Quels ont été les aspects positifs de la pandémie pour toi, as-tu appris quelque chose ?

L.S : J’ai trouvé une véritable tranquillité d’esprit et j’ai fait beaucoup de lecture, c’était une période vraiment enrichissante sur le plan personnel et intellectuel. Je suis en quelque sorte reconnaissant pour cela, pour être honnête…

MM: Nous avons vu que tu as fait un concert acoustique en Angleterre, comment s’est passé ce retour sur scène ?

L.S : Bien que j’aie commencé comme musicien de rue dans les rues du nord de Londres, et que je fréquente régulièrement les soirées open mic, je n’avais jamais joué un spectacle solo complet dans une salle de concert auparavant, donc j’étais vraiment nerveux. J’ai essayé d’arrêter de boire, donc j’étais sobre aussi, ce qui n’a pas aidé, je me chiais dessus ! Mais cela étant dit, j’ai vraiment apprécié et je veux en faire plus ! Les gens peuvent entendre les paroles quand il n’y a pas de groupe, et bien sûr, ce sont les meilleurs morceaux !

© Photo de son téléphone

MM :  Y a-t-il de nouveaux projets au sein du groupe ?

L.S : Saul fait un disque en solo, tout comme Nathan, et je sors une collaboration acid house avec certains des gars de Paranoid London. Il y a beaucoup de choses qui se préparent !

MM : Y a-t-il quelque chose qui te manque particulièrement ?

L.S : La pure inconscience d’être sur scène, c’est l’endroit le plus paisible qui soit quand on y arrive enfin. Tout le reste, je pourrais volontiers m’en passer.

© Holly Whitaker

MM : En dehors de la pandémie, y a-t-il un autre mal à combattre ?

L.S : Je pense que nous entrons dans une période de déclin inévitable, la chose importante à faire est de trouver un bon endroit pour se cacher et au moins ESSAYER et s’occuper des gens autour de vous !

© Alain Bib

Souvenir de notre rencontre avec Lias il y a quelques années :

INTERVIEW : Lias Saoudi, une certaine idée de la destruction.

Nov 2020

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