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Est-ce que les femmes ont besoin d’être habillées pour entrer au Musée d’Orsay ?

 

 

Alors qu’en 1989, les Guerilla Girls, groupe d’artistes anonymes américaines, publiait leur célèbre affiche « Do women have to be naked to get into the Met. Musem ? », ce mardi 8 septembre, Jeanne, étudiante en littérature, se voyait refuser l’entrée au Musée d’Orsay en raison d’un décolleté jugé trop prononcé.

 

«Les règles sont les règles » répétaient les agents du musée à la jeune femme, rappelant l’obligation, pour les visiteurs, de porter « une tenue décente » et l’interdiction d’accès au musée pour ceux dont la tenue vestimentaire serait « susceptible de générer un trouble à la tranquillité publique. »

Et si les Guerrilla Girls avaient tord ? Et si, même nues, ou du moins partiellement, les femmes ne pouvaient entrer dans les musées ?

 

 

 

«(…) je ne suis plus que mes seins, je ne suis plus qu’une femme qu’ils sexualisent, mais je veux rentrer dans le musée (…) Je mets ma veste — soupir de soulagement des agents du Musée d’Orsay — je rentre dans le musée. A l’intérieur : des tableaux de femmes nues, des sculptures de femmes nues (…)»

 

Extrait de la lettre ouverte publiée par Jeanne le 09 septembre sur Twitter.

 

 

 

C’est donc figées dans un regard masculin, comme allégories, comme images, comme symboles, comme entrelacements de formes que les corps des femmes peuvent trouver une place dans les lieux de mémoire de l’humanité. Livrés à eux-mêmes, ils demeurent, dans l’imaginaire collectif, synonymes d’indécence ou encore d’immoralité. L’espace public leur est refusé.

 

 

 

Ainsi, bien que le Musée d’Orsay ne tarde pas à prononcer ses excuses à Jeanne, la qualification de l’événement comme « incident » par l’institution relègue la négation de l’individu au profit de la chair comme un acte sans grande importance, survenu par erreur. Une confusion majeure que ne tarde pas à corriger les FEMEN dans la journée de dimanche en exhibant, sur leurs torses, ces mots criants :

 

 

« Ceci n’est pas obscène ».

 

 

 

copyright : Capucine Henry

 

 

 

Les corps des femmes revivent, pour la première fois, dans l’enceinte du musée. Les Muses reconquièrent le temple, faisant écho à la performance exécutée six ans plus tôt par Deborah de Robertis, artiste performeuse luxembourgeoise. A cette femme qui s’était assise, cuisses écartées et sexe apparent, sous L’Origine du Monde de Courbet. Aux policiers appelés par le Musée d’Orsay pour la déloger. Aux trois plaintes pour exhibitionnisme sexuel déposées à son encontre par le personnel du Musée. A ce « geste gynécologique », « trash et violent », condamné par la direction du Musée.

 

 

Pour Deborah de Robertis, pour Jeanne, le problème fut, est et sera le même : est violence, remise en cause de la paix sociale, le regard lorsqu’il s’origine dans l’objet regardé.

 

 

 

“Dans l’imagerie véhiculée par la pub et les magazines , le regard des femmes est un regard qui se laisse pénétrer, Or, moi, je veux que le spectateur se laisse pénétrer par mon regard.”

Extrait de l’interview de Deborah de Robertis réalisée par Marie Vaton pour l’Obs le 15 décembre 2018

 

 

Capture Youtube.

 

 

Les femmes, lorsqu’elles regardent, modèlent, s’approprient l’espace, sont maîtres de leurs rapports avec les spectateurs. Elles ne sont plus Vénus, Liberté, Fortune, corps anonymes, Baigneuses, Études de nus. Elles ne sont plus objet muet niché dans un œil. Elles sont l’œil capturant des objets muets. Le rapport de domination est renversé.

 

Et dans un lieu où seules quelques élues ont pu reprendre possession d’elles-mêmes, où seules quelques femmes sont qualifiées d’artistes, et non de modèles, c’est brandir une fourche et allumer un feu que d’aller, le corps découvert, poser son regard libre sur celles dont le regard a été emprisonné.

 

 

 

Sara Khemila.

Est-ce que les femmes ont besoin d’être habillées pour entrer au Musée d’Orsay ?

Sep 2020

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