Welcome sur la nouvelle version du site, Mauvais v4.
Avr. 19, 2018

La Havane, une poire pour la soif

 

S’échapper et disparaître ! Ou bien faire l’autruche… Et mettre la tête dans un trou qui serait inhospitalier pour un novice. S’évaporer loin des fêtes habituelles, des guirlandes de famille et des sourires qui sentent la dinde de Noël : quitter ces horizons qui n’ont de saveur que l’amertume d’être blasés par 2016.

Je cherchais un lieu où me réfugier. Cuba. Ce sont les couleurs et les matières d’hier et d’aujourd’hui qui tentent tant bien que mal de garder une cohérence et créent involontairement un esthétisme singulier. Tout cela me rappelle mon quartier d’enfance, Paris 14ème, Pernety-Gaîté dans les années 80, où chaque pâté de maison avait son propre terrain vague, qui avait sa propre histoire. Petit, avec mes copains on s’y infiltrait pour faire les zouaves, c’était nos sanctuaires. Mes préférés étaient ceux où l’on pouvait deviner et reconstituer les anciens appartements, grâce aux papiers peints collés sur les derniers murs existants . Le top, c’est quand il y avait les traces d’un escalier arraché !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ici je retrouve tout ça, mais dans une forme exacerbée et caricaturale. Tout y est accentué mais l’essence est la même. Je suis un peu perdu dans le temps et ce n’est pas désagréable. Cette rue cubaine est pleine d’aspérités. Elle vit en ayant mal ! Pendant que « La vieja Havana » (la vielle Havane) est rénovée, re-colorée, choyée et soignée, la « rue du Centre » de la capitale (« Centro Havana ») est oubliée ; on n’écoute plus sa voix et on ne regarde plus son peuple dans les yeux. Mais bon… Les touristes et leurs circuits n’en pincent que pour la grande sœur attrayante de la capitale. Sa petite sœur est bien moins gâtée, on ne la bichonne pas, elle ! Elle ne connait souvent que le regard indiscret des visiteurs égarés, de ceux qui n’ont pas pris « la bonne rue », qui on maté leur plan à l ‘envers. Puis il y a les habitués, les téméraires, et surtout « quelques photographes » qui aiment cette ambiance aux possibilités innombrables et au cachet certain… Nous, nous étions sûrement « des flâneurs-photographes ».

Alors nous avons erré encore et encore dans cet endroit qui ne correspond pas du tout à ce que l’on s’attend… De toute façon, à quoi pouvait-on s’attendre en souhaitant éviter les sentiers battus ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans tous les cas, pas à ça : Centro Havana, est décrépit, usé. Son vécu dégouline par toutes les fissures des immeubles encore debout. C’est une rue où les habitants ont de vraies gueules, la ride pertinente et honnête… Tu aimerais les prendre en photo, tous, et au moyen format alors que le portrait c’est vraiment pas ton truc. T’aimerais écouter leurs histoires au coin du feu avec un verre de rhum, pourtant tu ne comprends pas bien l’espagnol ! Sur certains murs de la ville, des inscriptions contestataires remémorant l’utopie « Che-Guevariste » accompagnent les discours que l’on peut trouver dans les bouches des habitants. Ils se confient : ils aimeraient bien avoir la chance, disent-t-ils, de vivre dans une société qui les considère et qui leur offre des horizons plus motivants et plus inspirants que ceux qu’on leur propose. Ils te racontent parfois en parallèle, avec élégance, l’idée délicieuse qu’ils se font de ta vie en France, en Europe. Mais malgré le grand nombre de trous, ici et là, je n’y vois aucune autruche et l’activité humaine est constante ! L’authenticité, le soleil, l’amour et la chaleur humaine réchauffent mon être et me font dégainer mes boitiers plus vite que Lucky Luke. Le salaire moyen est de 20$ par mois, les écarts sociaux sont flagrants et l’isolement du monde est palpable au quotidien. Pourtant, même si la misère fait planer son ombre de jour comme de nuit, et ceci aux gré des saisons et des déchainements climatiques, c’est sur un air de musique rythmée façon locale que les cubains montrent leurs richesses intérieures : brut et sans détour. Ces sont des Hommes forts. C’est beau, c’est complexe, c’est irrationnel… C’est comme j’aime.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les échanges étaient épisodiques mais toujours empreints de sincérité et de simplicité. Les quelques soirées chez les autochtones étaient nécessairement musicales, souvent participatives et impitoyablement « rhumatisées ». De ces moments nous sortions l’être nourrit et sucré. Le soir de Noël, dans un salon à la décoration naïvement kitch, je prenais un cours de boxe assez engagé avec un ancien champion cubain ! Le 31 décembre à minuit, dans les rues de Cojimar, petit village de pêcheurs non loin de la capitale, on brûlait un pantin fait de bric et de broc. La coutume veut qu’en immolant cette étoffe aux allures humanoïdes, nous faisions partir en fumée « le mauvais » de 2016. Tout ce qui nous avait causé des soucis au cours de l’année écoulée était symbolisé là, totalement incapable de se défaire des flammes ravageuses du réveillon, et putain c’était jouissif. Brûler un alter-égo pour renaître, telle était l’idée en ces première minutes de 2017. Le problème d’un tel voyage, durant lequel vous êtes absorbé par un rythme, bercé par une beauté qui vous est chère, enveloppé dans une atmosphère unique… Le souci de partir dans un endroit où les couleurs, les matières et les lumières accompagnent votre regard jusqu’à créer une exaltation sensorielle et photographique… L’ennui de vivre une expérience où le concept de déception n’a pas de sens, c’est de ne pas se rendre compte qu’elle n’est qu’une parenthèse ; que celle-ci se refermera sur vous, en bloquant avec elle la lumière qui avait réussit à éclairer ce trou sombre dans lequel votre âme s’était fourrée malgré vous. Cette épopée était finalement une petite poire pour la soif. Séchée par 2016, cette poire cubaine était une belle aubaine. J’espère retourner à Cuba entier et en forme, afin d’y ouvrir un nouveau chapitre ; pour me délecter de sa force, de sa culture et de ce terrain de jeu photographique, voire thérapeutique, pour artistes en mal de bon vivre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Olivier Simon Giachino, dit Gino.

 

 

 

 

 

 

NEWSLETTER COOL

NOS EVENTS ET NOS ARTICLES ICI