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Nov. 29, 2017

Tech(no)logic

Au sein de la mythologie de la jeune industrie « tech », subsistent les notions de l’intervention, de la perturbation, et de la réinvention des structures dominantes.

 

Ce sont eux — visionnaires précoces du Silicon Valley — qui devraient nous donner les outils pour combattre les maux d’une société de plus en plus influencée par les grandes corporations. Ce sont eux qui devraient nous exposer à l’univers des connaissances nous fournissant le pouvoir de façonner un monde plus juste. Leur cible ne devrait pas se limiter aux structures économiques, mais à la collection entière des oppressions humaines. En 1984, dans son essai Manifeste cyborg, Donna Haraway invoque la possibilité d’un avenir où le genre serait rendu démodé par la synthèse de l’humain et de la technologie : « Je préfère être cyborg que déesse. » Le grand programmeur et activiste Richard Stallman incarne l’esprit démocratique, transformatif et anticapitaliste de la culture technologique des années ’80 et ’90 ; il a créé GNU, un système d’exploitation gratuit qui a rendu possible Linux . En 1983, il a fondé The League for Programming Freedom et a dédié sa vie professionnelle à l’importance des logiciels gratuits et open sources.

 

 

 

 

Provenant des marges de la culture (surtout) américaine, la première vision téléologique de la technologie était révolutionnaire.

 

Bien sûr, ils y sont parvenus : il n’est plus possible d’imaginer notre société sans Internet. Mais comme la majorité des mouvements révolutionnaires, cette vision noble a été corrompue par le pouvoir. Bien que les grandes corporations technologiques — Google, Facebook, Twitter, Apple, etc — créent des appareils et des applications extraordinaires, leurs motivations sont foncièrement capitalistes. Ils échappent aux impôts en cachant leurs milliards d’euros dans des comptes bancaires clandestins et thésaurisent nos données sans les protéger suffisamment des hackers… De plus, peut-être la chose la plus troublante, ils donnent les données que nous leur fournissons gratuitement aux annonceurs, afin que ces derniers puissent nous manipuler psychologiquement et profiter de nos besoins et désirs les plus primaires. Effectivement, ils sont aujourd’hui les compagnies les plus riches du monde et nous travaillons pour eux sans jamais être rémunérés. Et parmi nous, presque personne ne fait rien.

 

 

 

 

Pourquoi ? Car les services que ces colosses de la haute technologie nous fournissent nous rendent heureux. Comment organiser une soirée sans Facebook ? Comment rédiger ta rédaction d’histoire-géo sans Google ? Comment stalker cette fille qui te plaît sans Instagram ? Cela pose des questions : qui intervient, maintenant que l’industrie numérique est devenue l’entité la plus influente du monde ? Si Google, Facebook et Apple sont devenus l’Œil de Sauron en monétisant le panoptique, qui est notre Frodo ? Chaque fois qu’il apparaît, ils l’enterrent sous une offre qu’il ne peut refuser.

 

Néanmoins, il existe deux façons faciles de subvertir la machine techno-capitaliste. La première est de rendre invisibles ou inexistantes ses propres données. Certains renoncent alors au monde en ligne, comme des moines médiévaux s’éloignant de la société. Cette approche à l’air minimaliste est radicale et attire bien quelques personnes, mais porte un désavantage évident pour vivre en société. D’autres contournent le problème en se tournant vers l’encodage. Mieux que rien, mais pas complètement efficace : par exemple, il n’est  pas possible d’encoder totalement vos actions sur Facebook, même en utilisant un faux nom. Une deuxième approche est de rendre leurs algorithmes — ceux qui traquent tous nos « mouvements » et toutes nos décisions pour que les annonces publicitaires soient personnalisées selon l’utilisateur en ligne — inutiles ; une stratégie appelée « obscurcissement ».

 

 

 

 

Helen Nissenbaum (grande philosophe de l’internet) et Daniel C. Howe de la New York University ont créé une extension de navigateur : TrackMeNot, qui vous protège de la surveillance informatique. Mais au lieu de rendre vos données inaccessibles par l’encodage ou la dissimulation, TrackMeNot inonde les moteurs de recherche qui vous suivent en générant constamment des recherches au hasard. Ils ont aussi créé Ad Nauseum, une extension qui clique automatiquement sur chaque annonce que vous rencontrez sur votre ordinateur, afin d’interrompre le processus de surveillance qui optimise les publicités en ligne. Jusqu’à ce qu’il y ait une grande réforme du système légal et éthique de l’industrie technologique, les stratégies d’obscurcissement restent les meilleurs moyens d’intervenir dans la collecte et la marchandisation de nos données, sans pour autant quitter entièrement la surface web.

 

 

Toi qui avais peur que tes parents trouvent Pornhub dans ton historique, crois-moi : ce sont des gens beaucoup plus flippants qui profitent de tes données.

 

 

 

Par Jack LaViolette.

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