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Oct. 17, 2017

Chasse à courre à Rock In The Barn

 

Longtemps, je me suis coucouche-panier! de bonne heure.

 

Crédit Charlotte Romer

 

 

La musique est cette biche qu’abat le chasseur, un instant de velours dans la noirceur. Jeune chien fou, je dévalais les sentiers cardiaques du paradis avant de m’effondrer. Vieux mastiff, je poursuis la traque à Giverny ; un corps de ferme, deux granges et plus loin, si loin, la mer. Qu’à la séparation du site et du camping, à son aimable gueule qui n’aboyait que douceurs, le doberman en charge de vérifier les bracelets nous évoque plutôt un chow chow travesti pour l’occasion, était de bon augure ; nous étions les bienvenus.

 

La tente plantée à grand-peine, nous voici libres. L’annonce nous est faite que la délicieuse portée australienne des Babe Rainbow est en panne à Amsterdam. Cela vaut certainement mieux pour eux que de moisir sur une aire d’autoroute entre Breda et Courtrai alors on se fait vite une raison ; on discourt et folâtre gaiement avant que ne soit donné le coup d’envoi.

 

Cela n’étonnera personne que notre premier coup de coeur de la soirée soit les Goaties. Puli, Pumi, Mudi ou que sais-je ? On est sur un bon chien de berger, c’est fédérateur et volontaire. Les normands empilent les hymnes punk, nous font déguster une bonne blague entre chaque chanson, c’est du moulé à la louche. On s’étonne par contre, à l’annonce d’une triste ballade à la mémoire du chat Léo ; ça prend la forme d’un requiem magistral avec au passage un canon de voix harmonisé, c’est vraiment bien moulé. Allah louche. C’était un groupe à calembour, le genre à en faire tout un fromage.

 

Réponse A : Camembert.
Réponse B : Cabourg.

 

 

 

Crédit Charlotte Romer

 

Pour ceux qui suivent, la suite c’est Sheraf. Sheraf, c’est quoi ? Un boxer peut-être. Ça carre les épaules, ça sourit peu, si ça mord ça te lâche plus. Ça aurait le poil court, autour du cou un collier à pic. Dans la gamelle, ça se verserait plus de la pale ale qu’un petit lait. Solo au milieu du public, remerciements « à les organisateurs », bien dressés mais coriaces. Disons English Bulldog. C’était bien.

 

MNNQNS c’est une drolatique famille qu’on verrait bien promenée le long de Central Park au bout d’une quadruple laisse. Et regardez mon poil soyeux, et mes griffes bien limées, le dogsitter est un artiste fauché qui nous laisse parfois pisser dans son studio ; il nous a joué Third Eye pendant toute une nuit où on avait partagé un buvard, juste pour voir. Il a enregistré nos voix – on savait parler du coup – s’est fait des couilles en or, est devenu notre agent et depuis on fait la tournée des granges.

 

À l’évidence tout le monde ne pourra pas manger des frites ce soir à Giverny, la queue est immense et on patiente. Dans les restes d’une tourelle ou d’un moulin, enfin d’un truc en pierre érigé au milieu de la cour nous est donnée, le temps de l’attente, la possibilité de renouer avec l’esprit du chaman. Le psychotron, comme tous les ans, agrège sectaires et mystiques de tout poil pour quelques instants de frappe sèche et de boucles de delay. C’est un atelier de psychédélisme où chante une rivière.

 

Crédit Charlotte Romer

 

Et puis, minuit, les loups garous hurlent à la lune, les chats noirs se perchent aux poutres en compagnie des chauve-souris, ils crachent, ils feulent, les ombres planent, s’entre-dévorent. JC Satan n’a pas de puces. JC Satan n’a pas une langue dégueue qui pend. JC Satan a les yeux jaunes et mange ton coeur battant. C’est l’homme à l’envers tout en étant le seul groupe de la soirée emmené par une femme. Merci Madame.

 

Concours de beauté canine pour certains, festival de niche pour d’autres, Rock in The Barn est avant tout une telenovela à la normande. Tout le monde se connaît, de Paris, de Rouen, de Caen ou du PMU de Vernon, les faces et les regards se répondent en miroir. Des organisateurs au dernier des festivaliers, on s’est croisé auparavant et on se reverra l’an prochain, dans une ferme ou dans une autre.

 

Chasse à courre à Rock In The Barn

Oct 2017

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